Le Fanclub de Kane
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


Ce forum est le fanclub officiel de Kane tout court, notre modèle à tous ! Vive Kane !
 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment :
Jeux, jouets et Lego : le deuxième à ...
Voir le deal

 

 L'HORLOGE DE ROMAN

Aller en bas 
AuteurMessage
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyLun 12 Fév - 17:04


1


L'air de cour, contrairement à la croyance commune, n'a pas disparue avec Louis XIV, ou même avec Louis XVI. Cet air se fait sentir dans bon nombre de réceptions mondaines, de réunions, ou de rassemblements quotidiens, réguliers et même exceptionnels. A chaque occasion, il y a toujours deux catégories de personnes : celles à qui on parle et celles à qui on ne parle pas. On peut rester muet parce qu'on ne connait pas la personne, parce qu'on est en conflit. On bavarde pour faire connaissance, ou pour ne rien dire, mais généralement parce qu'on s'entend très bien. Mais il y a une autre catégorie : les personnes à qui on ne parle pas et que l'on connait très bien. Car parfois, si l'on a rien à dire, c'est souvent parce qu'on sait déjà tout. J'ai découvert cette catégorie assez tardivement dans ma vie, et je m'en vais vous raconter comment cela s'est passé, avec tous les détails saugrenus qui composent cette histoire étrange.

Je m'appelle Roman Liebling, et je suis un scientifique polonais. Je cultive une passion pour les sciences occultes et le paranormal. Voilà un intérêt qui me prédestinait à rentrer en contact avec le surnaturel, vous le découvrirez plus tard. Je travaillais donc à l'écriture d'un livre sur le temps qui passe et ses répercussions sur les hommes. J'essayais de comprendre la sources des croyances et superstitions, de découvrir leur fondement et ainsi, peut-être n'en avais-je pas conscience à l'époque, découvrir une part de vérité dans le surnaturel. Je vivais seul, dans une modeste maison au centre de Zagan. Il n'y avait que ma vieille bonne prusienne, Elke, qui logeait dans une petite chambre, près de la cuisine. Sans elle, je n'aurais pas pu consacrer tout ce temps à rédiger mon ouvrage. Emporté par mes recherches, j'avais du mal à me concentrer sur l'écriture. Je passais en réalité la plupart de mon temps à lire de multiples volumes sur le sujet. Les idées se bousculaient dans ma tête pour prendre chacune une place vacante, remplacée plus tard par une autre, découverte dans un nouvel ouvrage à ma portée. Le plan de mon livre se dessinait progressivement, sans que je puisse le coucher sur papier. Le complexe de la feuille blanche hantait mon esprit durant toute la journée, ainsi fallait il que je lise pour me persuader que je ne baissais pas les bras, et que mon projet était toujours en construction. Car je souffrais d'une pathologie que je pensais inconnue des grands écrivains, ce qui me démoralisait un peu. En effet, le moment où j'étais le plus éloquant et le plus productif était lorsque je me couchais, là où mon esprit ne demandait qu'à se reposer. Instinctivement, à cet instant, les phrases se formaient dans ma tête dans un brouillard magnifique, qui disparaissait malheureusement dès le lendemain. Afin de sauvegarder ces belles formulations, je me forçais parfois à rester éveillé, mais elles s'évanouissaient toujours. Ma bonne Elke commençait à s'inquiéter pour moi, d'autant plus que je ne sortais plus depuis un bon moment. Lorsque je reçu un billet de mon ami Tobias Glerska, m'invitant à une réception, j'acceptais, pensant faire une petite pause, ce qui enchanta Elke.

Je me rendis donc à la réception, où mon ami m'acceuilla à bras ouverts, car il venait de faire la connaissance d'un homme à qui il voulait me présenter. Il disait que cet homme était spécialisé dans les contes et légendes. Je commençai donc la soirée en discutant avec cet étrange monsieur, qui m'apprit beaucoup sur certaines croyances folkloriques qui m'étaient jusque là inconnues. Je savais que je ne devais pas travailler ce soir-là, je l'avais promis à Elke. Alors je décidai de parler un peu de moi, pour changer. Car il est vrai que je n'avais jamais vraiment parlé à quelqu'un de ma personne, même à de proches amis. Mais cet homme me mettait en confiance, alors je décidai de lui demander des conseils d'écriture. Il semblait intéressé par mon problème, mais ne m'aida pas plus que ça. Il est vrai qu'il parlait peu, et il avait le don d'utiliser très peu de mots pour dire beaucoup.
De fil en aguille, et sans m'en rendre compte, je retournais la conversation sur mes recherches pour mon livre. Cela amena l'homme à me parler vaguement de son intérêt pour la question du temps, et à mentionner son attirance pour les horloges. Il me décrivit rapidement une de ses préférées. Mais il n'en dis pas plus. J'avais en fait l'impression que cet homme n'avait pas l'habitude de parler, ou tout simplement de sortir de chez lui. Il me rappela soudainement quelqu'un. Je m'aperçus alors que ma conversation n'était pas non plus très passionnante, mais le fait était que nous nous entendions très bien. Nous nous plaisions à parler de nos lectures personnelles, dans une conversation souvent parsemée de silences, au début gênants, mais dont nous nous accomodions parfaitement en fin de soirée. Car en effet, nous avions passé toute la soirée ensemble. L'heure du départ pour moi avait sonnée, je sentais mes paupières s'alourdir. Je pris congé de mon compagnon en prenant soin de lui faire remarquer que j'avais passé un bon moment en sa compagnie. J'allais remercier Tobias pour son invitation, puis je regagnais ma petite maison et je plongeais directement dans mon lit. Cette fois, aucune élucubration ne vint précéder mon sommeil.

Le lendemain, je me remettai immédiatement au travail, en inscrivant rapidement, dans un petit carnet, les informations que m'avaient donné l'homme de la veille.
Plusieurs jours passèrent, et mes recherches avançaient, mais pas mon livre. J'avais griffonné quelques passages intéressants, mais le style était exécrable et je m'efforçais de rester sur ma feuille pour l'améliorer à n'importe quel prix. Je passais souvent des nuits blanches à arranger mon texte. Il arriva une nuit où je ne pu que me résigner à m'écrouler sur mon travail. Je dormis comme un loir, d'un trait, mais lorsque je me réveillais le lendemain matin, je me sentais toujours très fatigué. Je descendis pour prendre mon petit déjeuner. Je beurrais mes toasts, quand Elke entra dans la cuisine.
_ Oh monsieur, vous êtes déjà levé, dit-elle très surprise.
Elle regarda l'heure, puis ajouta :
_ Je suis désolée, c'est moi qui ai dû trop dormir. Il faut dire que vous avez fait un sacré boucan cette nuit.
_ Pardon ?
_ Non pas que je vous accuse d'avoir chahuté, non, non. Mais vous êtes descendu et êtes passé devant ma chambre plusieurs fois. Comme j'ai le sommeil léger, cela m'a réveillé.
_ Je ne me rappelle pas être descendu, dis-je en fouillant dans ma mémoire.
_ Vous savez, parfois on va, on vient, et finalement on était à moitié endormi.
Je finis mes toasts, puis montai dans mon bureau pour travailler. Je sortis en début d'après-midi pour me rendre à la bibliothèque. Quand je rentrai, il était déjà tard, et je montai immédiatement dans ma chambre, après avoir avalé une tasse de thé. Alors que je commençai à me dévêtir, je remarquai la présence d'une belle horloge sur ma table de nuit. Elle était de forme carrée et avait la taille d'un gros dictionnaire. Elle était faite d'or et enjolivée par des ornementations très travaillées, d'un style du XVIIème ou XVIIIème siècle. Son cadran possédait des aiguilles d'argent minutieusement sculptées aux formes biscornues. Elles se distinguaient ainsi du style général de l'horloge. Je l'observai avec intérêt, puis appelai ma bonne pour lui demander qui avait bien pu l'apporter. Elle me répondit que personne n'était venu et qu'elle avait cru que c'était un cadeau que l'on m'avait fait. Elle avoua cependant ne pas m'avoir aperçu monter cette horloge dans ma chambre. Je la congédiai, car le sommeil me gagnait. Une fois dans mon lit, je ne pu m'endormir. La présence de cet objet était étrange et je me posai des tas de questions. Je ne l'avais pas remarqué auparavant, mais il était vrai que je n'avais pas mis les pieds dans ma chambre depuis pas mal de temps, car je passai mes nuits dans mon bureau. Quelqu'un serait-il venu déposer cette horloge ici, pensant que je l'aurais trouvée naturellement, puisqu'une chambre est un endroit que l'on fréquente régulièrement ? Mais depuis quand ? J'allais passer pour un ingrat de ne pas avoir remercier le déstinataire plus tôt. Mais je ne connaissais même pas son identité. A cet instant, j'allumai la bougie pour observer à nouveau l'horloge. Je scrutai tous les coins, mais il n'y avait aucune carte. Bien que je trouvai cela curieux, je me dis qu'il pouvait peut-être y avoir un mot dans le mécanisme. Je tournai alors la petite poignée à l'arrière de l'horloge et ouvris doucement la porte miniature. Une ombre noire griffue et poilue en sortit alors brusquement, me projetant en arrière sur mon lit, et faisant tomber ma bougie qui s'éteignit. Les ténèbres régnaient à présent dans ma chambre.
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyLun 12 Fév - 17:04

2


Je sentais une présence. Je n'osais pas bouger. J'étais terrorisé, paralysé par la peur. La chose s'approchait de moi. Il me fallut sortir rapidement de ma torpeur pour atteindre la bougie tombée au pied de mon lit. Tremblant comme une feuille, j'essayais de gratter une allumette. Le craquement significatif brisa le silence. Je levai lentement l'allumette flamboyante devant mon visage, et je vis très nettement le facièce si peu commun de l'homme de la réception, à quelques centimètres du mien. Le regard inexpressif, les sourcils noirs de jais, le teint pâle, la bouche d'un grand homme conscient d'en être un. J'avais déjà détaillé tout les aspects de sa personnalité en dix secondes à peine. Malgré tout j'avais l'impression d'avoir passé des heures à contempler une oeuvre d'art.
_ Bonsoir Roman Liebling, dit-il d'une voix suave.
Je repris mes esprits, et allumai la bougie. La lumière éclaira un peu plus la pièce. Je pu alors voir la longue cape noire qu'il portait sous un costume de la même couleur.
_ Que faîtes-vous chez moi ? Demandai-je la voix tremblante, mais persuadé d'avoir retrouvé mon calme.
_ Ca, c'est une drôle d'histoire, voyez-vous. Car j'allais justement vous poser la même question.
Il sourit et je découvris avec horreur des incisives démesurées. Je ne pus retenir mon imagination, et priai pour que les vampires n'existent que dans les romans. Je repris peu à peu mes esprits face à son visage rieur. Je m'étais assis sans m'en apercevoir. Je réussis à balbutier :
_ Je ... mais vous êtes ici chez moi. Ma présence n'est pas importune.
_ Oh, mais bien évidemment, et ce serait bien mal venu de ma part de prétendre m'approprier tous vos biens. Je ne suis pas un voleur.
_ Non ..., dis-je en tentant de cacher mon extrème nervosité.
_ Non, mais vous si.
_ Comment ça ?! Pourquoi m'accusez-vous ? De quoi m'accusez-vous au juste ?
_ Doucement. Le mensonge vous va mal, Roman Liebling.
_ Je ne mens pas !
L'homme se rapprocha de moi.
_ Que fait mon horloge chez vous ?
Je tournai la tête vers l'objet en question. Les flammes dansaient devant le cadran et la beauté de l'objet me fit oublier quelques instants la peur que m'inspirait mon visiteur. Finalement, peut-être l'avais-je volée cette horloge. Sans m'en rendre compte, je l'avais prise, car elle m'avait subjuguée, comme à ce moment précis. Mais je sursautai quand mon interlocuteur siffla à nouveau entre ses dents :
_ Que fait mon horloge ici ?
_ Je ... je ne sais pas, je l'avoue, je n'ai aucune idée de la façon dont elle est arrivée ici.
_ Vous n'en avez aucune idée ? Eh bien moi je le sais.
_ Alors pourquoi venir ici pour me poser la question ?
_ Venir ici ? Roman Liebling, vous n'avez donc pas vu ce qui est sorti de l'horloge tout à l'heure ?
Un silence glacial s'installa. Il attendait une vraie réponse. Je n'osais pas y croire :
_ C'était vous ... ? murmurai-je.
Il acquiesça d'un signe de tête.
_ Avez-vous remarqué ces incisives ?
Ce fut à mon tour de hocher la tête.
_ Roman Liebling, je suis un vampire.
Mon sang se glaça dans mes veines, et j'étais en train de me vider de toute mon eau. Je le regardai fixement, assis sur le rebord du lit, prêt à tomber. Je le vis très nettement se métamorphoser en chauve-souris, devant moi, puis tournoyer autour de ma tête, s'engouffrer dans mes rideaux, pour finir dans l'horloge. Je me rapprochai. Le chiroptère rentrait parfaitement dans le mécanisme. Il virevolta une nouvelle fois puis se retransforma.
_ Vous êtes entré chez moi il y a de ça six jours, me dit-il. Je me trouvais dans mon horloge, métamorphosé en chiroptère, et vous l'avez refermée. Ensuite vous êtes rentré chez vous et l'avez posé ici, sur cette table. Je n'en suis pas sorti jusqu'à ce soir.
Je m'imaginais l'inconfort d'une telle situation et m'apprêtais à me répandre en excuses.
_ Vous m'avez dérobé, cela est une chose. Un objet qui m'est précieux, cela en est une autre. Je vous en avais parlé, vous bafouez donc ma confiance, c'est encore autre chose. Et vous ne pouvez pas imaginer ce que c'est de rester enfermé pendant six jours dans cet espace restreint, sans moyen d'en sortir pour se nourrir. Je ne parle pas de nourriture ordinaire. Roman Liebling, je suis un vampire. Vous allez payer pour tous ces affronts.
Il se jeta subitement sur moi, orientant sa bouche grande ouverte vers ma gorge. Paniqué je me défendis comme je pus, en le frappant là où je pouvais. Je réussis à me sortir de ses griffes et je tombai de mon lit. Les cheveux collés à mon front par la sueur, je me précipitai vers la porte de ma chambre. Mais il me plaqua au sol en m'agrippant la cheville. Je tombai violemment par terre et me mordis la lèvre. Il se jeta à nouveau sur moi, mais je réussis à lui donner un coup de coude, ce qui me permis de descendre les escaliers. Je courus dans le couloir, mais le vampire m'arrêta sèchement en serrant sa main autour de mon cou. Il me plaqua contre le mur qui donnait sur la chambre d'Elke. Mon but premier était de l'appeler à l'aide, mais elle n'aurait pas pu mieux faire contre un vampire. Je décidai donc de devenir le plus silencieux possible et d'attendre la mort. L'homme me regarda fixement, les yeux pleins d'appétit. Ma lèvre inférieure saignait abondamment. Mais il ne faisait rien.
_ Pourquoi es-tu silencieux tout à coup ? Me demanda-t-il.
Je ne pouvais pas lui dire que ma bonne dormait à côté. Je voyais dans ses yeux qu'il n'avait pas envie de me tuer. Je sentais quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Autrement dit, s'il avait eu une autre victime à portée de main, il se serait servi.
_ Je ... je suis terrorisé, dis-je, un peu honteux de cette excuse minable.
_ Je ne peux pas faire ça, me dit-il enfin, en me lâchant. Tu es ...
Il sembla rêver pendant un court instant.
_ Tu as beau être un voleur, reprit-il, je n'arrive pas à te punir. J'ai beau avoir très soif, tu as quelque chose de spécial. Ya-t-il quelqu'un d'autre dans cette maison ?
Je secouai la tête en signe de négation.
_ Tu n'as pas une belle femme aimante, attentionnée ? Demanda-t-il en souriant.
Je secouai la tête.
_ Tu n'as pas d'amante ?
Je secouai la tête. Je remarquai qu'il jetait des coups d'oeil vers la chambre de ma bonne.
_ Aucun personnage féminin dans cette demeure, qui puisse satisfaire amplement ma soif de sang ?
C'est alors que j'entendis un bruit de verrous. Elke venait d'ouvrir la porte de sa chambre.
_ Monsieur Liebling ? Encore à faire le somnanbule ? Dit-elle d'une petite voix en transportant une bougie.
_ Une bonne ! S'exclama le vampire. Mais c'est tout indiqué !
Je ne pus le retenir. Il se jeta sur Elke, qui poussa un cri strident.
_ Arrêtez ! Je vous en prie, laissez-la en vie ! Arrêtez !
Mes supplications avaient fini ma dissuader le vampire. Il lâcha Elke qui se trouvait à terre, paralysée par la peur.
_ Tu as le don de me faire culpabiliser, me dit-il, l'air frustré.
_ Monsieur Liebling ? Dit Elke en sanglotant.
_ Elke, je suis désolé, dis-je en l'aidant à se relever.
_ Vous connaissez ce ..., demanda-t-elle en tremblant.
_ Oui, je ...
_ Par tous les saints ! S'écria-t-elle, les yeux lui sortant de la tête. Je pensais que monsieur était un bon chrétien !
Elle se précipita dans sa chambre, puis réapparut pour brandir un crucifix. Le vampire recula.
_ Mais Elke ...
_ Je ne reste pas une seconde de plus dans cette maison !
En deux temps trois mouvements, elle rassembla quelques affaires. Un léger gilet par-dessus sa chemise de nuit, Elke sortit par la porte d'entrée, en brandissant son crucifix, et sans cesser de réciter des prières.
_ Seigneur Dieu ! Sauvez-moi de ces monstres ! dit-elle les yeux remplis de larmes avant de fermer la porte d'entrée. Soyez maudits !
Ma bonne venait de partir définitivement. Le vampire n'avait évidemment pas bougé, éloigné par le crucifix. Je pensais m'en servir à mon tour pour le faire sortir de chez moi, mais il avait tout de même accepter de laisser Elke en vie. En y réfléchissant bien, je lui avait sauvé la vie. Et au lieu de me remercier, elle m'envoyait au diable, tout cela à cause de ce vampire. Je ne savais plus quoi penser.
_ Il ne me reste qu'une heure avant le lever du jour, et je ne pourrais pas rester une nuit de plus sans un peu de sang. Je suis assoiffé, Roman.
J'étais bien plus plongé dans mes contradictions, que préoccupé par sa soif. Soudain, j'eus une révélation.
_ Attendez, je ne suis pas un voleur ! Je n'ai jamais voulu vous dérobé cet objet, je l'ai vu dans ma chambre il y a quelques heures à peine. Mais il est bien possible que je l'aie volé sans m'en rendre compte. Je me souviens qu'il y a six jours, ma bonne m'a entendu marcher dans la maison. Je ne m'en rappelais pas ce jour-là. Les paroles d'Elke m'ont ouvert l'esprit tout à l'heure. Elle a dit le mot « somnanbule ». Je dois sûremment être somnanbule lorsque je suis très fatigué.
J'étais persuadé d'avoir regagner la considération de l'homme avec qui j'avais si bien parlé la dernière fois, à la réception. Je n'étais pas loin de la vérité.
_ Il me semble que tu dises vrai, dit-il l'air satisfait. Tu es définitivement intouchable. Je ne t'attaquerai plus. Il est vrai que tu n'as pas l'air de savoir la valeur de l'objet que tu as dérobé.
Je restais silencieux, expérant qu'il m'éclaire un peu sur ce point.
_ Mais il se fait tard, le jour arrive et j'ai trop soif pour continuer cette discussion. Je dois me dépêcher de trouver une victime, alors je vais faire le trajet dans les airs. Je te confie donc mon horloge. Je te défends de la toucher. Je reviens demain soir. A minuit, je serais devant ta porte.
Il ouvrit alors celle dont il parlait.
_ N'oublie pas que je ne peux entrer chez toi que si j'y suis invité. Ne touche pas à l'horloge.
Alors il s'envola dans la nuit noire. Je savais qu'il y aurait des morts ce soir-là. Etrangement, je ne m'en inquiétais pas, alors que je savais pertinemment que cela m'aurait effrayé quelques heures auparavant. Etais-je devenu aussi insensible que ce vampire ? La fuite d'Elke avait presque disparue de mes pensées.
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyLun 12 Fév - 17:05

3


Lorsque je me réveillai le lendemain matin, j'eus la simple impression d'avoir fait un mauvais rêve, et me levais sans grande inquiétude. Mais lorsque j'aperçus l'horloge sur ma table de nuit, mon coeur commença à s'emballer. C'est en fouillant la maison de fond en comble, et en découvrant qu'Elke n'y était plus, que j'ai dû me résoudre à croire ce que je pensais avoir rêvé. Cela ne changeait pas trop, je ne bougeai pas de chez moi de toute la journée, ressassant l'épisode de la veille et tentant de comprendre quelque chose à cette histoire. Les vampires existaient donc, et l'un d'eux avait essayé de me mordre. C'est l'information qui me revenait le plus souvent en tête. Mais j'avais tendance à oublier le plus important : il m'avait épargné, moi et Elke. Qu'est-ce que cela signifiait ? Et cette horloge avait-elle un lien avec ce changement de comportement ? Plus je pensais, plus j'étais impatient de le voir revenir le soir même. Je me préparais en avance, mettant un costume trois-pièces pour je ne sais quelle raison.
Minuit sonnèrent. J'entendis pour la première fois la mystérieuse horloge résonner dans mes oreilles. Je la pris avec moi et descendais les escaliers, les douze coups rythmant mes pas. Au douzième coup, j'arrivai à la porte. Je l'ouvris. Le vampire se tenait face à moi, immobile et calme. Je lui fit signe d'entrer.
_ Bonsoir Roman.
_ Bonsoir, répondis-je un peu anxieux. Nous pouvons passer au salon, si vous le désirez.
Il accepta. Je m'assis sur mon bon vieux fauteuil vert recouvert de poussière, et lui laissais l'autre en face de moi.
_ Pourquoi as-tu l'horloge entre tes mains ? Me demanda-t-il.
_ J'ai pensé que vous vouliez la récupérer.
_ Eh bien ... je vais t'expliquer tout cela. Mais dis-moi, tu ne l'as pas utilisée j'espère ?
_ Non ! Affirmai-je.
Un silence s'installa, pendant lequel le vampire semblait chercher ses mots.
_ Pourquoi êtes-vous revenu ? Demandai-je.
_ Je ne t'ai pas tout avouer hier soir. Tu ne dois pas toucher l'horloge. Mais je ne t'ai pas dit pourquoi.
Il hésita, et moi je restai suspendu à ses lèvres.
_ Cet objet sert à voyager dans le temps, finit-il par me dire.
Je restai bouche-bée. Un de mes rêves les plus chers venait de se réaliser. Il semblait l'avoir vu sur mon visage.
_ Je sais que c'est le genre d'objet que tu as toujours rêvé d'expérimenter. Seulement tu dois savoir que cette horloge est dangereuse. Elle sème le malheur partout où elle passe. Tous ceux qui s'en servent périssent plus ou moins atrocement. Certains ne meurent pas mais voit leur vie changée à jamais, et devenir un jardin noir et gris dépourvu de toute vie.
Il se tut et me regarda.
_ Je viens du futur, Roman. Et je suis venu avec cette horloge pour te prévenir d'un grand danger. Un danger qui te menace. Je ne peux pas te dire ce que c'est, mais crois-moi quand je te dis que cette horloge maléfique ne t'attirera que des ennuis.
_ Je ne sais même pas comment m'en servir, dis-je apeuré. Je vous assure que je n'y toucherai pas, d'ailleurs vous pouvez la reprendre. Elle vous appartient à ce que je sache !
_ Je ne dois m'en servir. Je suis venu avec une autre horloge. La même que celle-ci, mais celle du futur. Il y a donc deux horloges, dans le temps présent, qui n'en font qu'une. Je ne peux pas repartir avec celle-là, mais avec l'autre. Et avant de partir, je dois m'assurer que rien ne peux t'arriver.
_ Pourquoi vous souciez-vous tant de moi ?
_ Cela ne te suffit-il pas ? S'emporta-t-il. Je fais ce long voyage dans le seul but de t'aider. Il n'y aucune question à poser, car on ne plaisante pas avec le temps. Le temps est une notion dangereuse, instable. Je prends de grands risques en venant te voir, car le moindre mouvement, le moindre regard, la moindre étincelle peut déclencher un incendie planétaire.
Je restai immobile et muet. Ce vampire m'impressionnait. Et même s'il exagérait un peu les faits, dans le fond, il n'avait pas tort.
_ Je doit rester encore un peu pour m'assurer que la menace est écartée. Mais en attendant, je risque ma vie, mon propre futur en permanence. C'est pour cela que tu dois savoir que tout était calculé depuis le début.
_ Comment cela ?
_ J'ai fait exprès de rentrer en contact avec ton ami Tobias. Ainsi je t'ai rencontré à la réception. Je t'ai parlé de mon horloge. Mon but était que tu viennes la prendre. Je me suis caché à l'intérieur, transformé en chiroptère, et j'ai attendu que tu viennes voler mon horloge.
_ Comment saviez-vous que j'allais venir vous la prendre ? J'ignorais même l'endroit où vous habitiez.
_ Je le savais, car je viens du futur. Et l'endroit où j'habite ... je n'ai aucun foyer Roman. Cet endroit où tu es entré cette nuit, inconsciemment, somnanbule. Cet endroit est à éviter à tout prix. Cet endroit est maudit.
_ Mais pourquoi ne pas y retourner ? Ce n'est pas votre maison ?
_ Tu ne dois même pas y penser ! s'exclama-t-il. Non ce n'est pas ma maison. Car l'horloge qui est à moi dans le futur, appartient à une femme dans le présent. Cet endroit est sa demeure. Tu ne dois pas t'y rendre, c'est bien compris ? Elle est la source de tout ce mal.
_ Mais si vous étiez dans l'horloge ... et que l'horloge était chez cette femme, que faisiez-vous là-bas ?
_ Je t'attendais, bien sûr. J'attendais que tu viennes voler l'horloge, comme tu l'as déjà fait. J'ai éloigné cette femme de chez elle pour qu'elle ne puisse pas te faire de mal.
_ Mais attendez, il y a quelque chose qui n'est pas logique dans votre histoire : vous me mettez en garde contre cette horloge diabolique, et vous m'incitez pourtant à la voler et à la garder. Vous me dîtes que l'endroit où je me suis rendu est dangereux, que cette femme est dangereuse, et pourtant vous m'avez amené chez elle, vous me parlez d'elle. Si c'était pour me protéger que vous êtes venu, alors pourquoi reproduire tous ces faits, qui selon vous se sont déjà produits dans une autre réalité, la vôtre.
Il sourit.
_ Tu comprends vite, Roman. Cela ne m'étonne pas de toi. Tous ces évênements devaient se reproduire. Car c'était inévitable, tu serais allé dans cette maison, tu aurais volé l'horloge et tu aurais fait la connaissance de cette sorcière. Mais avec moi à tes côtés, tu as pu prendre conscience que toutes ces choses existaient et qu'elles étaient un danger pour toi. Maintenant que tu sais, tu ne crains rien.
Je restai perplexe. Cet homme aurait fait tout ce chemin, prit tous ces risques pour me « sauver ». Je ne le connaissais même pas. Mais je pouvais très bien le connaître dans le futur. Je ne savais plus quoi penser.
_ Comprends-tu à présent, me demanda-t-il d'une voix calme.
Son attitude protectrice me semblait suspecte. Comment un vampire pouvait-il être si bon ? Ce n'était pas possible. Ou bien les mythes vampiriques mentaient sur toute la ligne. J'osai lui poser la question :
_ Comment se fait-il que vous êtes si préoccupé par ma sécurité ? Ce n'est pas un reproche, mais je suis encore sous le choc de ma rencontre avec un vampire ...
_ Les vampires ne sont pas cruels, se contenta-t-il de me dire.
La réponse avait été claire. Je réfléchissais à une autre question. Quelque chose d'autre me semblait étrange dans cette affaire.
_ Pourquoi avoir joué la comédie hier soir ?
_ Pardon ?
_ Vous me traitiez de voleur. Vous avez même voulu me mordre. Ce n'est plus le même vampire que j'ai en face de moi ce soir ...
_ Aurais-tu des doutes sur ma sincérité, Roman ? Me dit-il d'une voix suave. Hier soir, j'avais soif. Extrêmement soif. Je n'ai pu me retenir, et j'en suis infiniment désolé. Crois bien que ... durant un moment j'ai oublié qui tu étais ...
_ Et ... pourquoi m'accuser de vous avoir volé l'horloge ? Maintenant je sais qu'elle ne vous appartient pas.
_ C'est compliqué. Je ne voulais pas que tu apprennes toutes ces informations d'un seul coup. Alors j'ai dû jouer la comédie encore un moment. Le temps fait des ravages, des misères. Le choc aurait peut-être été trop brutal. On est jamais trop prudent.
Ses excuses tenaient debout. Je fus rapidement convaincu.
_ Bien je vais devoir te laisser, j'ai encore très soif, je ne peux plus attendre. J'espère que tu m'as bien compris. N'utilise pas l'horloge. Ne vois pas cette femme.
_ Comment pourrais-je aller la voir, je ne sais pas qui elle est, ni où elle habite.
Le vampire posa rapidement les yeux sur l'horloge, puis répéta :
_ Mais n'utilise pas l'horloge, c'est bien compris ?
_ Oui, oui, ne vous inquiétez pas. Je vous crois.
Il sembla rassuré. Je voyais à ses yeux qu'il était épuisé. Je le raccompagnai à la porte.
_ Euh ... vous ne voulez vraiment pas me dire ce qu'il m'arrive dans le futur ?
_ Trop dangereux, me fit-il.
Il m'observa un long moment avec ses yeux noirs. Je fus parcourut d'un frisson. Il se transforma alors d'un seul coup en chauve-souris, et s'éloigna dans la pénombre des rues désertes. Je refermai la porte, l'horloge dans les mains.

Je dû rester une bonne demi-heure dans cette position. Le dos contre la porte, les yeux dans le vide. Je ne me rappelle plus vraiment à quoi je pensais. Entendre une telle histoire a de quoi vous tourmenter. Il y a de quoi devenir fou. En effet, les voyages dans le temps étaient dangereux. J'en avais conscience. Mais parfois la raison s'égare, car les hommes ne sont pas fait pour rester enfermés dans le bon sens. La curiosité prenait le dessus. Je voulais savoir. Il fallait à tout prix que je sache. Je n'allais pas rester sans rien faire. Je n'allais pas passer le reste de ma vie à faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas rencontré de vampire, comme si je ne savais pas que les voyages dans le temps étaient possibles. Comment cette horloge permettait-elle de remonter le temps ? Je ne voulais pas me risquer à faire une fausser manoeuvre. Néanmoins je l'examinai avec attention. C'est alors que je découvris quelque chose en retournant le socle. Une adresse était gravée en minuscules caractères :

Lilith Poniatowski
22, avenue de la Plume Encrée
Quartier des Augures
Zagan
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyLun 12 Fév - 17:06

4


J'avais passé la nuit à me demander si j'allais me rendre chez cette femme. Je suis arrivé un nombre incalculable de fois à la conclusion que je ne pouvais pas faire ça. Le vampire avait l'air sincère, et avait dépensé toute son énergie à me supplier de ne pas le faire. Pourtant sa priorité m'avait semblée être l'horloge. « Ne touche pas à l'horloge ». Ces mots me glaçait encore le sang. Je ne savais même pas comment m'en servir. Il m'était impossible de faire quoi que ce soit. Mais cette femme ... qui était-elle pour effrayer mon visiteur à ce point ? Quel genre de femme pouvait-elle être pour être crainte par un vampire ? A présent j'avais son adresse, et la décision n'en était que plus ardue à prendre.

Finalement, après une longue délibération avec ma conscience à double face, je me retrouvai en plein milieu d'après-midi dans les rues de Zagan, que je n'avais pas vues depuis plusieurs jours. L'air frais vivifiant me redonna confiance en moi, et je marchai d'un pas décidé vers le quartier des Augures. C'était un peu éloigné de ma maison, mais mes modestes rentes ne me permettaient pas de prendre de diligence.
J'arrivai bientôt devant une vieille bâtisse en pierre brute, enlacée par le lierre. Je frappais à la lourde porte. Une voix d'homme m'annonça que c'était ouvert. J'entrai alors dans l'entrée. Le sol était recouvert d'une moquette sombre, qui recouvrait également les marches du petit escalier en face de moi. J'appercevai le palier de là où je me trouvais. A gauche de l'escalier, un bureau était installé à l'entrée d'un couloir donnant sur plusieurs pièces. Un homme assis au bureau était occupé avec de la paperasse. Il m'ordonna sèchement de fermer la porte.
Il me dit qu'il s'appelait George Frisket et qu'il était le secrétaire de mademoiselle Poniatowski. Il me demanda si j'avais rendez-vous, et je lui répondit que non. Il sembla être outré et m'ordonna de sortir en me disant que mademoiselle Poniatowski ne recevait personne en pleine journée. Je demandai alors si je pouvais prendre rendez-vous pour le soir même. Lorsque je lui dis mon nom, il se leva d'un bond et me jeta dehors en hurlant que mademoiselle Poniatowski ne me connaissait pas et qu'elle n'en avait nulle envie.

Je fus donc contraint à rentrer chez moi. Sur le route du retour, je me disais que ce n'était pas normal que ce secrétaire m'ait jeté dehors si brutalement. Pourquoi s'était-il courrouccé dès que j'eus prononcé mon nom ? Plus que jamais décidé à ne pas me laisser faire, je projetais de revenir aux premiers signes du soir, en apportant l'horloge appartenant à Lilith Poniatowski.

Aux alentours de six heures, je sortis de chez moi. Un vent glacé soufflait dans les rues. Je me dépêchais alors d'arriver chez la demoiselle. Je frappai à la porte avec un peu d'appréhension. Cette fois, l'homme vint m'ouvrir. Il allait hurler en me voyant, mais resta stupéfait devant l'horloge. Je lui dis que je souhaitais toujours voir mademoiselle Poniatowski, car c'était très urgent. Il me fit patienter dans l'entrée. Il revint quelques instants plus tard en me disant qu'elle m'attendais dans le salon. Rempli de satisfaction, je passai derrière le bureau qui m'avait semblé infranchissable l'après-midi même, et me dirigeai vers la première pièce .

Je poussai la porte et découvrai l'intérieur confortable d'un salon aux différentes nuances de rouges et de bruns. J'avançai sans vraiment m'en rendre compte dans cette pièce recouverte d'une moquette pourpre, décorée par de multiples chandeliers décharnés et de vieux bibelots. D'immenses tableaux aux décors sombres accompagnaient de plus petits cadres destinés aux portraits de familles aux airs vétustes.
_ Qui êtes-vous ?
Je sursautai. Ma surprise fut telle que j'en perdis mon souffle. La maîtresse de maison se tenait près de moi, comme une apparition soudaine, comme si elle était là depuis plusieurs minutes, alors que j'étais persuadé n'avoir vu personne dans la pièce.
_ Excusez-moi, je vous ai effrayé.
C'était une femme plutôt grande, avec un visage ovale bien dessiné et des yeux verts en amande. Ses traits étaient réguliers, son nez droit, mais elle n'avait pas l'air sévère pour autant. Une certaine sympathie se dégageait de ses joues et ses paumettes, à bonne distance de ses yeux, et que son sourire discret mais rayonnant, soulevait légèrement. Ses cheveux noirs de jais ondulaient sur ses épaules jusqu'à sa poitrine. Elle portait une longue robe pourpre et beige, qui lui conférait une élégance qu'on devinait inné chez elle.
_ Vous ne dîtes rien ?
Je n'avais toujours pas repris mon souffle. Quelque chose m'intriguait chez cette femme. Je n'aurais su dire quoi.
_ Asseyez-vous peut-être.
Je lui obéis. C'est alors que je réalisai que je ne lui avais pas encore fait entendre le son de ma voix, alors qu'elle m'avait déjà généreusement fait profiter de la sienne.
_ Vous voulez un petit remontant ?
_ Non merci.
_ Ah, vous parlez enfin ! Me dit-elle avec un sourire encore plus éclatant.
C'est à cet instant que j'apperçus ses incisives. Bêtement, je poussai un cri en me protégeant instinctivement le cou. Curieusement, elle parut extrêmement gênée. Elle mit sa main devant sa bouche, l'air honteux.
_ Je suis désolée, vraiment désolée.
_ Vous ... vous n'allez pas .... ?
_ Non.
La réponse avait été simple, mais honnête. Je le voyais. Je fus immédiatement rassuré. Mais c'était tout de même étrange, cette confiance que je lui accordais tout à coup. Et le plus étrange, c'est qu'elle n'avait aucune raison de me laisser en vie. Elle se contenta de s'asseoir en face de moi.
_ Qui êtes-vous ? Me demanda-t-elle d'un air très intrigué.
_ Je ... Je m'appelle Roman Liebling.
Elle ouvrit grand les yeux.
_ Je sais, ajouta-t-elle. Mais qui êtes-vous ?
_ Comment savez-vous ... ? Je suis scientifique. J'écris des livres sur mes recherches personnelles. Je vis seul.
Elle acquiesça d'un signe de tête, l'air très attentif.
_ Vous ne me demandez pas pourquoi je suis venu ?
_ Si bien sûr.
_ Euh ... à vrai dire je n'ai pas vraiment de raison. Je vous prie de m'excuser, je n'avais pas imaginé à quel point la situation serait gênante ... un ami m'a parlé de vous. Il m'a assuré que je ne devais surtout pas chercher à vous voir. Il ne m'a pas dit pourquoi. J'avoue que je suis curieux de le savoir.
_ Comment s'appelle votre ami.
_ Il s'appelle ...
Soudain, mon sang se glaça dans mes veines. Je ne connaissais pas son nom. Cet homme déjà étrange du fait qu'il soit un vampire, n'avait en fait aucune identité. Pourquoi ne connaissais-je pas son nom. L'avais-je rêvé ?
_ ... je ne sais pas comment il s'appelle.
_ Voilà un ami bien étrange, dit-elle avec un soupçon d'accusation dans sa voix.
_ Mais ...
_ Vous savez, moi aussi j'ai reçu la visite d'un homme étrange ces derniers temps. Cela ne fait pas de moi quelqu'un de dangereux.
J'étais hésitant.
_ Je vous assure, me dit-elle d'un ton rassurant. Je voudrais vous raconter quelque chose. Un rêve que j'ai fait. Aujourd'hui même. J'ai rêvé de vous. C'est étrange, n'est-ce pas ? Vous n'êtes pas sans savoir que nous, les vampires, nous sommes morts. Nous ne vivons qu'à moitié. Voilà pourquoi ce rêve était doublement étrange. Vous allez comprendre. J'étais dans une forêt de pins. Il faisait nuit. Une lune bleuté éclairait mon chemin, et j'avançais sans savoir pourquoi. Tout à coup, j'ai aperçu une ombre au loin. Alors j'ai décidé d'aller voir à qui elle appartenait. Et à ce moment-là, j'ai vu votre visage. Je vous ai vu, habillé d'un costume noir et d'une cape de la même couleur. Vous aviez le même air perdu que maintenant. Alors en vous voyant, je fus saisie d'une grande peur. Dans mon rêve, je savais que je vous avais déjà rencontré. Que j'étais tombée amoureuse de vous, mais que je ne savais pas ce que vous ressentiez pour moi. Je n'osais pas vous avouer mon amour. Alors j'avais peur de votre réaction en me voyant arriver à cet endroit où je n'étais pas censée être. Et là, vous m'avez adressé la parole. C'est perturbant, parce que ... vous avez dit la même chose que tout à l'heure « Je m'appelle Roman Liebling. Je suis scientifique. J'écris des livres sur mes recherches personnelles. Je vis seul. ».
A ce moment-là, je mis suis sentie très mal. Mon ventre me faisait atrocement souffrir, je ne pouvais plus vous parler, j'avais le trac, et surtout j'avais envie de vomir. Cela faisait des siècles que je n'avais pas ressenti la souffrance, même en rêve. C'était très perturbant vous savez.

... to be continued


Dernière édition par le Dim 18 Mar - 14:50, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyDim 18 Mar - 14:49

A ce moment-là, je commençai à me sentir mal. Puis, ça a empiré. Je me sentais très mal, j'avais le vertige, des sueurs froides. Mon ventre me faisait atrocement souffrir, je ne pouvais plus vous parler, j'avais le trac, et surtout j'avais envie de vomir. Cela faisait des siècles que je n'avais pas ressenti la souffrance, même en rêve. Mais le plus étrange, c'est que quelque part, cette torture me faisait du bien. Je la sentais se propager dans mon corps, dans ma tête. C'était vous qui provoquiez cette douleur. C'est pour cela qu'elle était jouissive.
Elle se tut. Son regard sembla flotter un moment dans le vide. Je ne me souviens pas avoir été aussi gêné de toute mon existence.
_ Pourquoi me racontez-vous cela ?! Dis-je, outré. C'est ... c'est immonde ... c'est ... je ne veux rien avoir affaire avec des gens comme vous !
J'étais prêt à m'en aller. Je sentais la tension monter entre nous. Je réalisai soudain que la sueur perlait sur mon front. L'atmosphère chaleureuse de la pièce s'était transformée en atmosphère suffocante. Je suffoquai littéralement.
_ Des gens comme moi ? Demanda-t-elle, les yeux noirs, en s'avançant lentement vers moi.
_ Les ... les vampires, m'écriai-je en me levant.
_ Alors pour être venu ici ?
Je ne savais plus où me mettre. Elle tourna alors son regard vers l'horloge, posée sur le sofa.
_ J'allai vous demander où vous aviez bien pu trouver mon horloge, me dit-elle.
_ C'est ... c'est une histoire compliquée, dis-je.
Je ne comprenais pas ma réaction. J'ignorais la nature de mes sentiments, mais j'avais peur. Et pourtant je n'avais aucune envie de m'en aller.
_ J'adore les histoires, me dit-elle en s'asseyant lassivement sur son fauteuil.
Je restai muet. Par où commencer ? Et si ce vampire n'était que le pur fruit de mon imagination ?
_ Je ... j'avoue, je l'ai volée.
_ Vous me l'avez dérobée ?
_ Je suis désolée. C'était ... tellement intéressant comme objet. Je veux dire ... je sais ... c'est une machine à voyager dans le temps.
La mine anxieuse, je regardai le visage noir de mon hôte se métamorphoser en expression rayonnante. Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres délicieuses. Je cru percevoir une lueur briller dans ses yeux. Malgré le fait que la scène puisse paraître prompte à susciter l'inquiétude, je ne bougeais pas. Je n'en avais aucune envie.
Elle se rapprocha.
_ Comment savez-vous cela ? Oh, après tout ce n'est pas grave. Savez-vous comment vous servir de l'horloge ?
_ Non, à vrai dire ...
Je m'interrompis.
_ ... vous aimeriez le savoir, n'est-ce pas ?
Son sourire était encore plus éclatant. Je cru percevoir un léger ricanement. Elle se leva.
_ Le voyage dans le temps ne peut s'effectuer qu'à une seule condition. Elle est toute simple. Il vous faut entrer dans ce petit mécanisme.
Elle ouvrit la petite porte située derrière l'horloge, donnant sur les rouages, sources des tic-tacs incessants, qui rythmaient à l'instant même les battements de mon coeur. La bouche à demi ouverte, les yeux ronds comme des billes, la langue dans le coin de ma bouche, je m'approchai de l'entrée dans le monde des merveilles. Les merveilles que j'avais toujours rêvé d'atteindre.
_ Vous en mourrez d'envie, me sussura-t-elle à l'oreille.
Je sursautai. La réalité me revint rapidement en tête.
_ Mais c'est impossible, dis-je en riant nerveusement, je ne peux pas entrer là-dedans.
_ Bien sûr que si. Moi je peux.
_ Oh ! Bien évidemment, suis-je bête. Dans votre monde de mort-vivants et de sorciers maléfiques, vous devez bien avoir une potion quelconque pour devenir aussi minuscule qu'une ...
_ Chauve-souris, termina-t-elle.
Je m'arrêtai net.
_ Pardon ?
_ Vous ne croyez pas aux vampires, Roman ? Me demanda-t-elle d'une voix sensuelle, en se rapprochant de moi.
Je reculai, et percutai le sofa. Je me laissai tomber sur celui-ci, fixant le regard envoutant de mon hôte.
_ Eh bien ... je ... euh ...
_ Je vous assure qu'il n'y a pas de quoi plaisanter. Les vampires existent. Et les vampires se transforment en chiroptère.
Je déglutis avec difficulté.
_ Certes ... je ... je l'admets.
Elle s'agenouilla en face de moi, et croisa ses bras sur mes genoux.
_ Je vous sens passionné, me dit-elle. Je vous sais passionné. Vous vouez votre vie à votre oeuvre. Vous avez envie de voyager dans le temps. Vous en avez besoin. Vous pouvez utiliser l'horloge, Roman.
Elle serra mes molets avec ses mains glacées. Son regard s'intensifiait. Je restais l'admirer.
_ Ca ne fait pas mal, Roman, dit-elle, presque en proie à une transe, en avançant son visage vers le mien.
_ Melle Poniatowski ..., dis-je un peu démuni.
_ Qu'y a-t-il ?
_ Je ... je ne veux pas devenir un vampire.
La lueur merveilleuse fut remplacée par un éclair noir.
_ Bien sûr que si ! Me fit-elle.
Puis, avant que je puisse réagir, elle planta ses incisives dans mon cou. Aucune douleur ne m'affecta, elle avait eu raison. Mais je sentais mon sang se vider. Je sentais ma vie s'en aller. Peu à peu, à bout de force, je plongeai dans un profond sommeil.
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyDim 18 Mar - 14:51

5


Je me réveillai dans un lit moelleux, recouvert d'un édredon de dentelles blanches. La lumière d'une bougie dansait sur un mur pourpre. Je me redressai lentement, et sursautai à la vue de la vampire. Elle était allongée, la tête posée sur l'oreiller, vêtue d'une longue robe de nuit en dentelle blanche très travaillée. Elle avait les yeux fermés. Ma première réaction ne fut pas la peur, mais l'attendrissement. On aurait dit une poupée de cire. Je tournai la tête pour m'apprêter à me lever. Mais je dû rester assis sur le bord du lit. Je l'entendis se redresser.
_ Roman ?
_ J'ai dormi longtemps ? Demandai-je.
_ Presque toute la nuit, me dit-elle.
_ Quelle heure est-il ?
_ Six heure du matin. Le soleil se lève dans un peu plus d'une heure.
Je portai ma main à mon cou douloureux. Je sentais également des courbatures un peu partout dans mon corps. Mais ces sensations étaient un peu différentes. La femme se rapprocha de moi.
_ Comment te sens-tu ?
_ Pas très en forme.
_ C'est normal. Mais ça aurait pu être pire. Heureusement que je t'ai gardé près de moi.
_ Comment ça ?
_ Tu t'es transformé petit à petit.
Paniqué, je touchai mon visage. Je sentis alors mes incisives démesurées. Je poussai un cri.
_ Que m'as-tu fais ?! Balbutiai-je, effaré.
Je sentais le chagrin me gagner. J'allais pleurer. Les larmes montaient jusqu'à mes yeux. Mais au moment où elles devaient couler, rien ne se produisit. J'étais un vampire.
_ Ne t'attriste pas, Roman. Tu vas ainsi pouvoir voyager dans le temps, comme tu l'as toujours désiré. Le temps qui passe est une chose merveilleuse. Pour les êtres immortels c'est le moyen de faire remonter à la surface quelques sentiments, en rendant visite aux époques qui nous ont été chères. Mais pour les mortels, le voyage dans le temps est une découverte. A quoi cela sert-il de connaître le futur ? Pour moi, ce serait rendre mon histoire sans fin encore plus ennuyeuse. Mais pour toi, toi qui vient de naître devant mes yeux, ton âme de mortel est encore assez présente pour que tu puisses profiter du plaisir de la découverte. Fais donc honneur au cadeau que je t'ai fait ...
_ Un cadeau ? Un cadeau empoisonné, plutôt. Je ne ressens plus rien. Je suis mort.
_ Je t'en supplie, fais-moi confiance. La vie de vampire n'est pas si terrible. Elle est presque insupportable lorsqu'on est seul. Mais tu as la chance de m'avoir avec toi ...
Elle se rapprocha et me tendit un bol chaud par-dessus mes épaules. Le liquide était rouge.
_ Mais enfin, qu'est-ce que c'est que ça ?! M'écriai-je en me retournant.
A ma vue, Lilith poussa un cri, et lâcha le bol de sang sur le drap blanc.
_ C'est quoi ce sang ? Demandai-je.
_ C'est ... c'est le tien, balbutia-t-elle. Enfin je le croyais. Mais ce n'est pas toi, Roman, si ? Ton visage ... oh, Roman, est-ce bien toi ? Ne me mens pas. Pas à moi.
_ Comment ça ? Bien sûr que c'est moi.
_ Non, cela ne se peut ... ou plutôt si ... mais comment est-ce possible ? Roman, c'est bien toi ?
Elle s'approcha lentement de moi et caressa mon visage de sa main froide.
_ Je t'ai dit qu'un vampire était venu me voir l'autre soir, me dit-elle après un long silence. Je l'ai vu qui lorgnait mon horloge. Je ne lui faisais pas confiance. Mais il me disait qu'il rendait visite aux vampires de la région, pour les prévenir qu'un chasseur de vampire était dans les parages. Il m'a dit qu'il était très rusé. Il m'a aussi dit son nom : Roman Liebling.
Je me levai soudainement du lit et m'approchai d'elle.
_ C'est ... c'est pour ça que tu m'as mordu ? Pour me mettre hors d'état de nuire ?
_ Non, me dit-elle. J'ai su qu'il mentait dès que je t'ai vu ... quelqu'un pour qui je ressentais quelque chose d'aussi fort ne pouvait pas être un ennemi.
Elle déposa lentement ses lèvres sur les miennes.
_ Tu as le visage de ce vampire qui est venu l'autre soir, me dit-elle enfin.
_ Mais qui est-il ?!
_ Je l'ignore, mais c'est sûremment lui qui a volé mon horloge. J'en suis sûre.
_ Non ... non, puisque je t'ai dit que c'était moi ...
Nous nous regardâmes un instant. Je n'avais jamais ressenti quelque chose d'aussi étrange. J'avais l'impression qu'on me trompait. Qu'on m'avait trompé. La confusion était telle que j'étais prêt à me méfier de Lilith.
_ Il faut que je vérifie quelque chose, dis-je tout à coup. Où as-tu mis l'horloge ?
_ Non, n'y touche pas ! S'exclama-t-elle.
Mes yeux tombèrent sur l'horloge, posée sur une petite table en bois recouverte d'un napperon de dentelle beige.
_ Pourquoi ça ? Lançai-je en me jetant sur l'objet.
_ Tu ... tu n'es pas Roman ! Tu veux me voler mon horloge ! Rend-la moi !
J'ouvris la petite porte et me concentrai pour me changer en chiroptère. Lilith fit de même. Nous nous engouffrâmes dans l'horloge et la porte se referma.

C'était une sensation étrange que de se retrouver dans cet espace restreint avec des ailes à la place des bras. Ma vision était cependant nettement supérieure et je fus tout d'abord émerveillé de la multiplicité des petits détails que je pouvais à présent distinguer. Lilith allait toucher au mécanisme, mais je fus plus rapide, malgré ma contemplation. En réalité, mon statut vampirique me donnait des réflexes plus vif. Je compris rapidement qu'il y avait une roue pour l'heure à laquelle on voulait se rendre, une pour le jour, une pour le mois, et une autre pour l'année. Je choisis n'importe quel jour de n'importe quel mois. Ce qui comptait c'était d'arriver cent ans plus tard. La manipulation faite, je sentis l'horloge remuer, puis des secousses pendant quelques secondes. Le calme revint, et la porte s'ouvrit.

Je voletai jusqu'à la terre ferme pour me métamorphoser. Je me sentis tout de suite mieux dans mon corps d'homme. Pendant que Lilith se transformait, je contemplais le paysage. Rien ne me choqua à première vue. Nous nous trouvions dans un cimetière lugubre. Il faisait nuit. Il y avait une chapelle délabrée au loin, et un arbre derrière nous. Une brise chaude faisait légèrement bouger son feuillage. Tout était atrocement calme. Et pourtant, je percevais le bruit presque inaudible d'une conversation.
_ Où sommes-nous ? Me demanda Lilith.
Je la priai de se taire. Le son que j'entendais provenait de la chapelle.
_ Roman, dit-elle en s'approchant de moi. Si tu voulais utiliser mon horloge, ce n'était pas la peine de mentir, de te faire passer pour un autre ...
_ Mais ... je ne suis pas venu te voir l'autre soir. C'est impossible ... même lorsqu'on est somnanbule, on ne parle pas. N'est-ce pas ?
Elle remua la tête en signe de négation. Je poussai un soupir.
_ Il faut quand même que je sache, dis-je en me dirigeant vers la chapelle.
Je m'approchai doucement de la fenêtre, Lilith derrière moi. J'entendais la voix d'un homme suppliant :
_ Je vous en prie, disait-il en sanglotant. Epargnez-moi, je vous en conjure ! Je ferais tout ce que vous désirez. Je vous servirai. Mais épargnez ma vie, je suis un bon chrétien.
_ Tu as dis un mot de trop, siffla une autre voix, qui me semblait familière.
_ Noooon, pitié !
C'est à ce moment que je vis un vampire mordre goulûment à la gorge d'un paysan. J'avalai difficilement ma salive, lorsque je vis Lilith se lècher les babines avec un regard d'envie. Allais-je finir par m'y faire ? J'étais un vampire à présent, et ce genre d'attitude n'était pas censé me heurter. Pourtant cela me mettait mal à l'aise, et particulièrement face à Lilith. Elle était si belle dans sa robe blanche. Je revoyais son doux visage de poupée, alors que je l'observai sur son lit, quelques minutes auparavant. Mais à présent, son visage était dur et cruel. Pourtant elle était toujours aussi belle. Etais-je en train de devenir un monstre sanguinaire, sans aucune morale ? Le bruit d'un chandelier tombant sur les dalles en pierre me sortit de ma rêverie. Je tournai à nouveau la tête vers la pièce. Le vampire avait fini de boire. Il semblait satisfait. Il se retourna.

Lilith retint un cri. Elle s'éloigna de la fenêtre pour s'asseoir contre un mur, un peu plus loin. Le vampire ramassait le chandelier, et s'occupait d'évacuer le cadavre du paysan. Quant à moi, je ne pouvais pas détacher mes yeux de son visage. J'étais subjugué, émerveillé, effrayé et curieux à la fois. Il ne me voyait pas, je le savais. C'est pour cela que je continuais à l'observer avec insistance. Son visage. Mon visage. Notre visage.
Ce vampire, c'était moi. C'était l'homme de la réception. Le vampire qui avait failli me mordre l'autre soir. Le vampire qui avait dit être venu du futur pour me sauver. C'était moi. Je voyais à présent la ressemblance. Je l'avais comprise grâce à Lilith. Mon visage avait tellement changé depuis ma transformation en vampire, et en même temps j'étais toujours le même. C'était étrange que je ne l'ai pas remarqué plus tôt. Mais il faut admettre que je ne remarquais jamais rien. La légende du vampire sans reflet n'était plus. J'avais un miroir en face de moi. Me reconnaîtrait-il s'il me voyait ? Je sentais que oui. Etre vampire c'est ne plus rien ressentir, dit-on. Mais c'est faux. Je sentais très nettement les traits de mon visage. C'est à ce moment que je me rendis compte que les mortels étaient bien faibles. La sensation de l'éternité apporte bien plus que l'éternité elle-même. Elle incite à être fort. Et je l'étais. Je me reconnaissais. Pour la première fois, je savais qui j'étais.
Lilith était néanmoins tombée amoureuse de l'homme minable que j'avais été. Etrange comportement que cette attirance pour les mortels. Pour ma part, je commençai à me sentir invulnérable. Si elle m'aimait toujours, alors je ne devais pas m'en faire.

_ Roman ? Demanda-t-elle de sa petite voix.
Elle m'avait reconnu elle aussi.
_ Oui, c'est bien moi. Et je crois savoir qui est l'inconnu à être venu chez toi, l'autre soir.
_ Vraiment ?
Je réfléchissais.
_ Quelque chose me dit que nous devrions rentrer, dis-je.

Nous nous engouffrèrent à nouveau dans l'horloge. Le voyage du retour achevé, j'écoutais le silence de la demeure de Lilith avec attention.
C'est alors que j'entendis un remue-ménage à l'étage d'en-dessous. Je me dirigeais vers l'escalier pour voir ce qu'il se passait. J'aperçu alors un homme habillé de noir, en train d'essayer de convaincre George le secrétaire de le laisser voir Lilith. Soudain, ce dernier tourna la tête vers moi. Il poussa un cri rauque, la mine stupéfaite, et s'en alla dans le salon. L'homme en noir s'approcha alors des escaliers. C'était mon visiteur de la nuit dernière, le vampire. C'était moi.
Revenir en haut Aller en bas
Liline
Adoralilinatrice
Adoralilinatrice
Liline


Nombre de messages : 1408
Taux de débitation de connerie par minute (sur 10) : 22/10
Date d'inscription : 10/05/2005

L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN EmptyDim 18 Mar - 14:52

6


Il monta lentement les escaliers sans regarder les marches, mais en me fixant intensément. Je m'attendais à ce qu'il soit furieux. J'étais persuadé qu'il était venu pour vérifier que je n'étais pas venu voir Lilith Poniatowski.
_ Roman Liebling ? Me fit-il, un peu hésitant.
_ Enchanté, dis-je avec un sourire amusé, découvrant mes insicives, dont j'étais à présent fier.
Arrivé à ma hauteur, il sembla étrangement triste tout à coup. Lilith sortit de sa chambre à ce moment-là. Elle nous aperçut au bout du couloir.
_ Roman ? Appela-t-elle.
Nous tournâmes la tête au même moment. Mon autre moi soupira.
_ Je vous doit des explications, dit-il.
Il se dirigea instinctivement vers la chambre de Lilith. Elle le laissa entrer. Nous entrâmes à notre tour. Mon autre moi nous pria de nous asseoir à la petite table, où était posée l'horloge.
_ Qui êtes-vous ? Demanda Lilith, en nous fixant tour à tour.
_ Je suis Roman Liebling, dit-il.
_ Et moi aussi, fis-je remarquer.
_ Attends Lilith, je vais t'expliquer, dit mon autre moi. Je vais tout raconter depuis le début. Mais avant tout, sache que je viens du futur.
Il y a de cela cent ans, c'est-à-dire à votre époque, maintenant, dans votre présent, j'étais un scientifique ordinaire, modeste, sans attache familiale, sans grands amis, sans prétention. Je me passionnais pour le temps, pour ces petites secondes qui défilent, telles les gouttes de pluie qui tombaient incessament derrière ma fenêtre. Ma vie monotone me pesait sans que je m'en rende compte. Et puis un soir, alors que je rentrais chez moi, je passais près de la demeure de Lilith Poniatowski. J'aperçu alors cette magnifique horloge dorée briller à travers les carreaux de la fenêtre. Je m'approchai pour la voir de plus près. Elle était unique. Je voulus l'ajouter à mon recensement, et donc je frappai à la porte. Le secrétaire m'ouvrit, et je lui expliquais que je désirais voir le ou la propriétaire, pour admirer la belle horloge exposée dans le salon. C'est ainsi que j'ai rencontré Lilith Poniatowski. Elle m'a séduite au fur et à mesure. J'ignorais que c'était une vampire. Mais quand je l'ai su, elle m'a proposé un marché. Elle me livrais les secrets de l'horloge, en échange de mon sang.
_ Tu as fait ça ?! M'exclamai-je.
Lilith sembla un peu désemparée.
_ Ce n'est rien. A ce moment-là, j'ai choisi de devenir vampire. Enfin, plus ou moins. La curiosité était, je l'avoue, plus forte que tout. Ainsi je suis devenu un vampire, et j'ai expérimenté le voyage dans le temps. J'ai traversé de nombreuses époques. Toutes sensationnelles. J'ai écrit des tas de livres. J'ai reçu des prix. Je savais d'immenses choses. Des choses auxquelles personne ne pouvait désormais avoir accès. J'étais devenu vaniteux, insupportable pour Lilith – car nous étions ensemble – et je ne m'en rendais pas compte. Je ne me suis jamais rendu compte de rien, n'est-ce pas Roman ? N'est-ce pas ce que tu as ressenti tout à l'heure, lorsque Lilith t'as transformé en vampire ? N'as-tu pas senti le pouvoir que tu possédais à présent ?
A cet instant précis je ravalai ma fierté. Cet homme était bien moi. Il savait ce que je ressentais, ce que je pensais.
_ Mais je ne te blâmes pas. Ou plutôt je ne me blâme pas. C'est ainsi. Je dois en passer par là. Je disais donc que j'étais devenu pédant, grandiloquant, à tel point que je devais me faire remarquer partout où j'allais. Lilith ne cessait de me rappeler que nous, les vampires, devions rester prudents et discrets. Car la cruauté des mortels pouvait nous séparer à tout jamais. Je me croyais assez invulnérable pour échapper à cela. Un soir, des hommes vinrent chez Lilith, dans notre chambre. Instinctivement, je me suis transformé en chauve-souris pour m'échapper. Mais Lilith n'a pas eu cette chance. J'ai du la voir disparaître dans les bras d'un de ces paysans qui lui enfonçait un pieu dans la poitrine.
Lilith détourna son regard de mon autre moi, mais n'eut pas d'autre réaction. Je m'emportai :
_ Et tu as laissé faire ça ?! M'écriai-je.
_ Oui, tu as laissé faire ça, répondit-il calmement. Tout est allé trop vite. Nous n'avons rien pu faire. Dès lors, je me suis retiré du monde. J'ai compris pourquoi tous les vampires le faisaient. Je me suis caché dans une crypte, dans un cimetière. J'y ai entassé tous mes livres, toutes mes recherches, ainsi que l'horloge, que j'ai pu sauver de la barbarie de ces assassins. Mais ma nouvelle vie recluse ne m'enchantait guère. J'étais le vampire solitaire, le vampire des contes. J'étais devenu une légende. Mais il n'y avait rien de jouissif à cela. Lorsqu'on est une légende, on est seul. On est craint ou admiré, mais personne ne vous le fait savoir. Je voulais en finir avec ma condition de damné, donner l'occasion à un de ces paysans effrayés de me planter un pieu dans le coeur, car je n'avais pas la force de le faire moi-même. C'est alors que j'ai eu l'idée de me créer une nouvelle vie. Avant de disparaître, moi, le vampire malheureux, j'allais te donner l'occasion à toi, scientifique modeste, de ne pas connaître l'abomination d'une vie de damné. Mon plan a mûri pendant des jours dans mon esprit. Puis je me suis jeté à l'eau. J'ai d'abord pris contact avec Tobias, notre ami à tous les deux Roman. J'ai ainsi pu me rendre à sa réception, et voir comment tu te comportais. Je fis une légère allusion à l'horloge, pour que ton inconscient te guide vers elle. Bizarrement je savais que tu allais te rendre chez Lilith en somnanbule. Cela fait partie des choses inexplicables de ce monde, je suppose. Je suis ensuite allé chez Lilith. Je me présentai comme un vampire malheureux, qui voulait disparaître, ce qui n'était pas tout à fait faux. Je la prévenai qu'un chasseur de vampire allait arriver à Zagan le soir même. Je lui conseillai de s'enfermer dans sa cave pendant toute la nuit, et de n'en sortir sous aucun prétexte. Car en effet, j'allai rester dans la maison à sa place, et me sacrifier pour elle, étant de toute façon désespéré. Tu étais sceptique, Lilith, je m'en souviens. Néanmoins je te connaissais tellement bien que j'ai su trouver les mots. Le soir, j'entendis des bruits de pas derrière la porte. C'était bien toi, Roman. Je me transformai alors en chauve-souris et me cachai dans l'horloge. La suite, tu la connais Roman. Je voulais te prévenir de ce danger par le biais de l'horloge. Car dans mon esprit, lorsque tu ne connais pas, tu risques beaucoup. Mais comme il y a des choses que je sentais chez toi, il y en avait d'autres qui m'ont échappées. La curiosité est plus forte que tout, n'est-ce pas ?
Il avait vraisemblablement terminé son récit. Je me sentais ridicule.
_ En effet, j'ai voulu savoir qui était cette femme, dis-je. Et je suis heureux de l'avoir rencontrée.
Il soupira.
_ Je sais ... je l'ai été moi aussi. Mais je ne voulais pas que tu deviennes un vampire. C'est ce qui a entraîné tout le reste. Maintenant que j'ai échoué dans ma tâche, je n'ai plus qu'à repartir chez moi, et à m'exposer au soleil.
Il se leva et se dirigea dans le couloir. Je me sentais encore plus ridicule. Je ne pouvais pas me faire du mal à ce point. Etais-je devenu aussi égoïste et vaniteux qu'il l'avait dit ?
_ Attends ! Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire ?
_ Rien.
Il descendit les escaliers jusque dans le salon. Nous le suivîmes. D'un mouvement de sa cape, il sortit une horloge de nulle part. Il la posa sur une petite table près de la cheminée.
_ Si, tu peux faire quelque chose, me dit-il. Et je sens que tu vas le faire, même si je ne te le dis pas.
_ Qu'est-ce donc ? Lui demandai-je, prêt à faire n'importe quoi.
_ Ne deviens le monstre que je suis devenu. Et chéri chaque nuit que le soleil daigne t'offrir, pour rendre heureuse la belle Lilith.
Il s'approcha d'elle et posa ses mains sur ses épaules pour la contempler. Sans dire un mot, elle le prit dans ses bras.
_ J'y veillerai, dit-elle.
_ Moi aussi, dis-je.
Lilith revint se serrer contre moi. L'autre moi nous regarda un moment avec mélancolie. C'est alors que je remarquai que les murs de la maison commençaient à disparaître. Le toît étaient à présent un ciel aux couleurs étranges, annonçant le commencement du jour.
_ Il est temps que je m'en aille, dit-il d'une voix énigmatique. Je vais bientôt être effacé de la réalité moi aussi.
_ Quoi ? Demandai-je. Comment ça ...
Il se transforma lentement en chiroptère, voleta une dernière fois autour de nous, puis s'engouffra dans son horloge. Les aiguilles commencèrent à tourner à une allure incroyable, l'horloge fut agitée de soubresauts, puis elle disparut.
Il n'y avait presque plus de murs autour de nous. Les meubles aussi entamaient leur processus d'élimination.
_ Mais qu'est-ce que cela signifie ? Demandai-je, inquiet.
_ La réalité a été changée, me dit-elle. Ce sont les aléas du temps ...
Elle parut soudain réfléchir intensément. Puis elle réagit :
_ Oh! L'horloge ! J'espère qu'elle ne va pas disparaître !
Nous nous précipitâmes à l'étage. L'horloge était posée sur sa table, mais celle-ci était en train de disparaître. Je rattrapai l'horloge avant qu'elle ne heurte le sol. Mais le sol aussi allait bientôt s'en aller, comme tout le reste de la maison. Lilith me prit par la main, et nous nous précipitâmes dans les escaliers. Seulement il n'y avait plus d'escaliers. D'un regard, nous nous comprîmes que nous étions d'accord. En une seconde, nous nous métamorphosâmes en chiroptère. A l'unissons, nous agrippâmes la poignée de l'horloge dorée avec nos petites pattes noires, et nous nous envolâmes juste avant que le sol ne se dérobe.
Et dans la nuit mourante, Lilith et moi, Roman, nous survolions l'ancienne maison de la princesse des damnés, où s'étalait à présent une dense forêt de pins.

FIN
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





L'HORLOGE DE ROMAN Empty
MessageSujet: Re: L'HORLOGE DE ROMAN   L'HORLOGE DE ROMAN Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
L'HORLOGE DE ROMAN
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Fanclub de Kane :: Fanfictions pour tous-
Sauter vers: